Quand le printemps fait jaillir nos couleurs
- Claire Hourlier
- 22 mars 2017
- 2 min de lecture
Dimanche, toute de rouge vêtue, à Commerce j’allais à grands pas pour me hâter de rejoindre les chantiers navals, ma destination finale.
J’entends derrière moi une voix masculine qui crie joyeusement et répète malicieusement : « Madame Rouge, Madame Rouge, Madame Rouge … ».
Je souris, intérieurement d’abord, puis extérieurement sous l’effet de la répétition.
Je me retourne et voit cet homme qui accourt vers moi, la main levée pour être sûr d’être identifié dans la foule, typé amérindien, petite taille, cheveux noirs longs, le sourire aux lèvres. Ses mots s’empressent :
« Vous êtes très belle Madame Rouge ! »
Alors qu’il me tend la main, je m’imagine faisant partie des nouveaux personnages du Cluedo, juste à côté de Mademoiselle Rose, entrain d’échapper au Colonel Moutarde en m’engouffrant dans le passage secret.
Pendant que mes pensées vagabondent, j’ôte mon gant pour le saluer. La poignée de main échangée est sincère et appuyée.
Il enchaîne, les yeux dans les yeux :
« Comment allez vous ? »
Le contraste de rythme entre son envolée qui s’arrête aussi nette que sa question vient se poser délicatement et avec affirmation, est absolument savoureux !
« Je vais très bien, merci ! Et vous ?
- Je vais très bien également. Je vous souhaite une bonne journée ! »
Alors que nos chemins se séparent, nos sourires restent accrochés à nos visages. Je me délecte de cet enthousiasme manifesté clairement.
Il s’apprête à monter dans le Tramway qui vient d’arriver. Il se ravise et faisant marche arrière, avance timidement un :
« Je peux vous inviter ? »
La proposition est presque de trop mais elle a le mérite d’avoir existé dans l’élan du moment, et ça, c’est beau.
« Non, merci. » lui réponds je avec mon sourire qui ne veut toujours pas partir.
« Oui, je comprends. »
Cette fois, il monte dans la rame et je vois partir le tram.
Mais mon sourire est, lui, resté à quai, dans son écrin douillet, dans son habit rouge.
