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Quand les arbres nous enracinent dans notre présent


Sur ma route, … dans la rue, je m’arrête pour contempler un arbre en fleurs. Blanches, sur un fond de ciel menaçant. Je l’observe sous différents angles. Je dégaine mon téléphone et me mets à le photographier.

Une femme monte la rue avec sa valise, me sourit, s’arrête à mes côtés, immortalise ce même arbre, et me remercie quand elle repart.

Une voiture de la ville est en stationnement, proche de l’arbre. Son conducteur, entrain d’écouter la radio bruyamment, baisse le son pour me demander gentiment s’il me gêne, auquel cas il peut bouger.

Je décline sa proposition.

Je prends mes photos.

Parfois très très proche de son véhicule.

Tout bien considéré, il est vrai que j’aimerais être à la place de la voiture.

Je me penche à la fenêtre ouverte du passager pour lui demander de se décaler. Il accepte, et part se garer plus bas.

En descendant de sa voiture, il remonte vers moi et me lance : « C’est au Japon qu’il faut aller ! »

- Mais cet arbre là me convient parfaitement », lui dis je, du tac o tac, mon sourire fleurissant aux lèvres, tout comme cette idée printanière.

« Voyez comme ils sont abîmés … les pots d’échappement de voiture, ça ! La nature animale … le lion peut attaquer et ne jamais faire de mal à sa proie. En Afrique, les racines de l’arbre figuier peuvent s’enrouler puis étrangler les racines d’un arbre qui va se coucher .. et là, il va le lâcher. La nature humaine ne fait que détruire… »

Cet homme ne cesse de parler, d’ouvrir et d’enchaîner des sujets, apparemment différents mais dont je sens bien, au fond, qu’il détient un dénominateur commun.

Ses mots se choquent, se mêlent, s’emmêlent, les idées affluent et le flux des mots ne suit visiblement pas le flux de ses pensées. Ses mains tentent de prendre le relais dans cette logorrhée verbale, assaillie de débordements en tous genres.

C’est alors que je sens en moi des maux de tête, un étourdissement soudain, et aussi une envie de m’éloigner. Je comprends et ressens très nettement que ces maux ne m’appartiennent pas. Que ce sont les siens. Que cette agitation dans sa tête résonne dans la mienne. Alors je me détends.

« … l’animal, le végétal, se respectent. L’homme ne sait que détruire … »

Je l’observe. Je l’écoute. Il est dans son élan, je le sens crispé, ici et ailleurs en même temps. Il déverse sa souffrance comme il peut. La Nature est son allié. Il continue :

« Regardez cet arbre, il ne reçoit que de la pollution !!!!! »

Je saisis l’occasion, sans y avoir même réfléchi. Les mots sortent de ma bouche, comme de la sienne, instantanément :

« Mais moi, je lui envoie de l’amour à cet arbre ! »

Un ange passe.

Il s’arrête net. Le souffle coupé. Il a perdu son fil. Il est court circuité.

Ses yeux dans le vague viennent se poser sur moi. Il me regarde. Il sourit. Nerveusement.

Puis il se reprend. Il reprend.

« Les hommes se tuent les uns les autres… » et il fait mine de tenir une mitraillette « ta ta ta ta ta ta ta ta ta », c’est tout ce dont ils sont capables !!

- Eh bien moi, je fais des câlins … »

J’ouvre grand mes bras, pour joindre, moi aussi, le geste aux mots.

Il est désarmé.

Il sourit, incrédule.

Il est là, en face de moi, vraiment là cette fois.

Il ouvre ses bras.

Au cœur de cette étreinte, d’une voix douce il me souffle « welcome ! »

« Je te souhaite tout le bonheur du monde. »

On dirait que le tutoiement s’est lui aussi invité parmi nous.

Son collègue qu’il attendait vient d’arriver. Il doit partir le rejoindre dans la voiture, mais il a encore des messages à me faire passer visiblement :

« N’oublie pas ce que je t’ai dit … kenavo … enfin, bon, toi tu n’es pas bretonne !

- Ah bon, comment sais tu cela ?

- Je sais tout, c’est Dieu qui m’envoie te dire tout cela aujourd’hui …

- Tu n’es pas de Paris j’espère ?!

- Puisque tu sais tout, tu sais donc d’où je viens !!..

- Ne me dis pas que tu ne connais pas le Jardin des Plantes !?..

Tous azimuts et sans transition cette question … ça s’agite drôlement dans sa tête !!..

- Euh, non je ne te dis pas ça

- … ???

- Oui, je connais le Jardin des Plantes.

- Ah, soupire-t-il soulagé, alors c’est là bas qu’il faut que tu ailles pour retrouver la vraie nature, la nature brute …

- J’aime beaucoup le jardin des plantes, et j’aime aussi ce que je trouve sur ma route ! »

Il rigole de bon cœur. Il commence à lâcher, il doit sentir qu’il n’y a pas de prise, rien ni personne à convaincre en face de lui.

Il me regarde attentivement. Me bénit. Rigole à gorge déployée. Je vois toutes ses dents briller du même éclat que ce magnifique magnolia.

Il doit vraiment filer.

Il m’honore d’un « namasté », les mains jointes et les pieds qui s’éloignent, en route vers la voiture, stationnée plus bas. Le temps de glisser d’autres « au revoir » et « merci » dans différentes langues. Ses enchainements me laissent juste la place de lui envoyer un « salam » avant qu’il ne monte dans sa voiture. Son éclat de rire résonne dans le claquement de sa portière. La voiture démarre. Et moi je me sens bien enracinée après un tel dépaysement.

magnolia en fleurs


 
 
 
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